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Emmanuel Grégoire, premier adjoint à l’urbanisme et au Grand Paris de la Maire de Paris : "L'anneau du périph' sera cassé, symboliquement"

Comment parvenir à transformer le périphérique parisien en boulevard urbain ? La mairie de Paris publiera un plan-programme à l'automne pour présenter sa méthode et son calendrier. Entretien avec le premier adjoint à l'urbanisme et au Grand Paris d'Anne Hidalgo. Il était l'invité de Cadre de Ville et du Pavillon de l'Arsenal, en partenariat avec Radio Immo, pour une émission radio filmée sur l'histoire et le devenir du périphérique, qui a aussi réuni les deux auteurs de l'ouvrage "Des fortifs au périf". Propos recueillis par Lucie Romano, Rédactrice en chef adjointe de Cadre de Ville, mercredi 31 mars - Interview et replay à retrouver dans cet article.

> Interview exclusive et replay de l'émission "Conversation sur le périph'", organisée par Cadre de Ville et Le Pavillon de l'Arsenal mercredi 7 avril. Une heure d'échanges éclairés sur le périph' et l'histoire des évolutions du site qui ont précédé l'infrastructure routière, et les projections sur sa transformation à venir. Avec les auteurs de l'ouvrage réédité "Des fortifs au périf", Jean-Louis Cohen, professeur à l'Institute of Fine Arts de New York University, et André Lortie, professeur à l'École nationale supérieure d'architecture de Paris-Belleville et directeur de l'Ipraus/AUSser, et Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à l'urbanisme de la maire de Paris. Des ateliers du périphérique ont débuté en 2019, et le dernier en date remonte à mars 2021. En quoi consistent-ils ? Il y en a eu quatre [ils seront suivis de quatre autres, sectorisés, en avril]. Ce sont des temps d'échanges politiques rassemblant notamment beaucoup de maires, suivis de temps d'échanges plus techniques qui associent les directions générales des services ou des responsables voiries pour approfondir les conséquences pratiques des échanges. On approche du moment de livraison du rendu de ces ateliers puisqu'à l'automne doit être présenté un livre blanc sur le projet de transformation du périphérique, coordonné par l'Apur. Ce projet politique porté par Anne Hidalgo, y compris pendant la campagne électorale, et partagé par les communes limitrophes, vise à modifier le périphérique en boulevard urbain, avec une circulation apaisée, régulée, des traversées piétonnes, des mobilités partagées, des voies réservées, et surtout, un urbanisme qui se retourne vers le périphérique alors qu'aujourd'hui on a un urbanisme de fracture qui lui tourne le dos. Transformer le périphérique est incontestablement une très grande opportunité d'aménagement urbain sur les cinquante prochaines années. Le périphérique est un ouvrage parfois au niveau du sol, mais aussi souterrain, parfois en tunnel - je pense aux aménagements des années 80 et 90 dans l'Ouest parisien -, avec des couvertures - avec des interventions sous le mandat de Bertrand Delanoë dans l'Est parisien - et en ouvrage aérien - ce qui nécessitera de très lourds travaux quand le temps sera venu d'en faire autre chose. En quoi les JOP sont-ils un accélérateur de la transformation du périphérique ? Les voies olympiques - c'était l'objet du 4e atelier du 18 mars - seront réservées aux usagers des Jeux, principalement aux délégations des sportifs et aux journalistes : la liaison de point à pojnt la plus fluide possible est dans le cahier des charges international de l'organisation des Jeux. L'accès sera restreint aux détenteurs de badge spécifique, même si la réflexion nous conduit à une matérialisation de ces voies olympiques en termes de signalétique. A priori, il devrait aussi y avoir un réseau de caméras qui contrôlera le bon usage de ces voies olympiques. L'idée est d'étudier en amont de phase comment on pourrait préfigurer ces voies réservées. Tous les arbitrages ne sont pas rendus, mais l'idée serait de favoriser la circulation pour du covoiturage, des véhicules propres, des transports collectifs notamment. Après les Jeux, ces voies seront un héritage important : nous souhaitons les conserver pour des utilisateurs spécifiques et nous travaillons sur des hypothèses. Le tronçon concerné se situe entre la porte de Versailles et la porte de Bercy par le nord, mais la Ville de Paris comme les maires limitrophes des parties qui ne sont pas concernées par cette portion ont regretté que la boucle ne soit pas complète - l'arbitrage est rendu par la délégation interministérielle, pour des raisons notamment de praticité. Mais à issue de la phase olympique, nous voulons que l'héritage porte bien sur l'ensemble du tronçon et pas seulement cette portion. Les voies olympiques sont aussi pensées en liaison avec les sites olympiques, notamment un axe très important A1-Village olympique, ou plus au Nord, en direction du site du Bourget avec le Village des médias. Sans compter plusieurs lignes intérieures pour desservir les sites parisiens (avenue de la Grande-Armée, avenue des Champs-Elysées, Champ de Mars, Invalides, etc. En quoi est-il fondamental de transformer le périphérique ? Cela rentre dans la lutte contre le changement climatique et l'adaptation de la ville à tout ce qui s'impose à elle : lutte contre les pollutions, les îlots de chaleur et augmentation de la place de la nature en ville. L'enjeu en l'occurrence porte sur l'articulation entre un modèle de développement et le sujet de la soutenabilité environnementale et sociale. C'est donc à l'aune de cette matrice-là que nous portons les grands axes de notre action publique, "Nous assumons ce levier d'action publique qu'est la stratégie du pincement : la contraction de l'espace disponible pour stimuler des modifications des comportements sociaux"

Au-delà, il y a bien sûr l'enjeu de la mobilité et le rééquilibrage des espaces publics au profit des mobilités autres que la voiture, notamment individuelle (pistes cyclables, transports publics, marche, etc). Pour y parvenir, nous devons articuler l'ambition et la progressivité. On ne fera pas tout du jour au lendemain. Mais nous assumons ce levier d'action publique qu'est la stratégie du pincement : la contraction de l'espace disponible pour stimuler des modifications des comportements sociaux. Nous utilisons la thrombose à cet effet - il y a ensuite un sujet de dosage, et encore une fois, de progressivité, pour ne pas provoquer d'effets secondaires sur l'économie notamment, pour rendre les choses soutenables. Comme le font un grand nombre de villes dans le monde. La crise sanitaire en cours est-elle en mesure d'influencer la transformation du périphérique ? Elle joue un rôle d'accélérateur. Il y a un lien très étroit entre la crise sanitaire et la prise de conscience des habitants en matière de santé environnementale. Notre sentiment, c'est que la demande sociale d'action sur ses sujets est chaque jour qui passe plus forte. Il y a quatre ans, Anne Hidalgo était remise en cause de manière très brutale sur ces fondamentaux-là quand elle a fermé les voies sur berges. Aujourd'hui, l'opposition accepte, bien qu'elle veuille faire les choses différemment. La bataille culturelle est gagnée parce que l'opinion la demande. Pour le périphérique, les maires des communes voisines, de la couleur politique de l'opposition, ont les mêmes demandes que nous. Toute la difficulté de notre travail collectif est que nos actions peuvent avoir des effets de bord, réciproquement. Nous sommes tous confrontés à l'idée que c'est le sens de l'histoire et le rôle des élus que d'accompagner cela. Je vous parlais d'effet de bord. On a bien conscience des risques de report de la circulation sur la grande périphérie, l'A86, la francilienne. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles avec la Métropole du Grand Paris et les quatre départements de la petite couronne, nous avions proposé au préfet de région de mettre en place, dans le même esprit, un atelier "A86", pour éviter que les questions qui se posent aujourd'hui sur le périphérique ne se passent sur l'A86. Le préfet a refusé. Vous préparez un livre blanc. Qu'est-ce qu'il y aura dedans ? Une méthode précise et un calendrier. Notre ennemi, c'est la procrastination. A force d'avoir peur d'agir, on n'agit jamais : ce n'est pas un défaut qu'a Anne Hidalgo. Pas question de renoncer à des gestes très importants, spectaculaires même, dans cette mandature et les prochaines, pour traduire en acte cette volonté politique de transformation du périphérique. Nous sommes certains qu'à la fin tout le monde sera convaincu qu'il fallait le faire. Un exemple parmi d'autres : des dizaines de milliers de camions transitent chaque jour sur le périphérique, des 35 tonnes très polluants. Nous défendons une écotaxe francilienne dirigée vers le transit international de poids lourds : pour les faire contribuer fiscalement à un territoire qu'ils utilisent, pour réorganiser les trajets des flux internationaux de fret, et enfin - il n'est pas interdit de rêver - pour contribuer à rendre plus compétitif le fret ferroviaire. De prochaines transformations de portes en places s'annoncent, je pense notamment à celle de la Villette. En quoi ce projet s'articule-t-il avec la transformation du périphérique ? A quelle vitesse ? On ne va pas accélérer le calendrier, si on déroule le calendrier prévu, ce sera déjà très bien - avec la crise Covid, j'espère que nous n'aurons pas de choix à faire pour reprioriser. J'aime rappeler que la place Denfert-Rochereau a été une porte de Paris. Aujourd'hui, plus aucun Parisien ne se rappelle de cela. Nous souhaitons que dans 50 ans, nos arrières petits-enfants ne se souviennent pas que la "place" de la Villette était avant cela une porte. Nous avons entamé un travail étroit sur ces portes qui évidemment n'aboutira que quand nous supprimerons physiquement le périphérique. Pour la Villette, toujours, le périphérique est en ouvrage aérien. De nombreux aménagements à court-moyen terme sont prévus, dans les dix ans, un très grand programme de renouvellement urbain, de réaménagement de la porte avec pour l'instant cette autoroute aérienne qui passe. Montreuil, Chapelle, Aubervilliers, quelques places sont déjà bien engagées. La réflexion sur la porte Maillot avance bien - je croise les doigts qu'elle puisse être livrée pour 2024. Pour les portes de Bercy, de Bagnolet, on entre dans des endroits plus compliqués à traiter, avec en plus du périphérique l'un des plus gros échangeurs routiers d'Europe. Un ouvrage gigantesque et totalement inhospitalier sur lequel nous menons des réflexions à 10-20-30 ans, pour tendre vers un effacement. Cet effacement du périph' interroge le devenir de plusieurs projets urbains situés le long du boulevard circulaire, qui réinventent de nouveaux usages sur ou sous le périphérique, comme la porte Maillot, celui de Bruneseau, ou encore ceux de Gare des Mines, Python-Duvernois, Porte de Montreuil et Bédier-Oudiné, qui ont pour première caractéristique d'être déjà habités... Jusqu'où aller en termes de projection d'un périphérique transformé pour mener à bien ces projets ? Les projets sont pensés avec maintien de l'infrastructure - pour des raisons de portée budgétaire, mais aussi techniques -. Il y a des endroits où on commence à réfléchir avec une transformation du périphérique, y compris intermédiaire à la destruction de l'ouvrage du périphérique aérien. Une sorte de high-line newyorkaise, où on garde l'ouvrage mais où on le réaménage différemment. Je pense à Bruneseau. L'idée [des Ateliers Lion] intègre une accessibilité et une connexion des immeubles au périph facile à faire dans un deuxième temps, avec une promenade plantée où il peut y avoir une voie circulante avec circulation douce, pistes cyclables. "Est-ce que ce sera un simple feu rouge et un passage piéton ? Ce sera déjà une révolution. Est-ce que ce sera un segment d'ouvrage détruit et restructuré ? Plusieurs pistes sont à l'étude, mais symboliquement, l'anneau connaîtra une ouverture"

Ces éléments-là font justement partie de la réflexion stratégique que nous devrons clarifier en termes de calendrier à l'occasion du livre programme : à quel endroit on pense que dans les 100 prochaines années on doit garder l'ouvrage, et capitaliser sur sa transformation ? à quel endroit on peut effacer l'ouvrage, notamment l'axe prioritaire sur le secteur Gentilly, parce que les affleurements sur le plan urbain sont assez faciles à traiter. En tout cas, il n'y aura pas de philosophie univoque là-dessus, plutôt des endroits où il sera pertinent de le garder ou de le supprimer, par exemple - vu les montants astronomiques en jeu, c'est pour cela que le projet urbain se pense sur les cinquantes prochaines années. Prenons par exemple la ZAC Gare des Mines Fillettes (20 ha de part et d’autre du boulevard périphérique, et un "bâtiment-pont" le surmontant). L'Autorité environnementale estime qu'il faut encore préciser la manière de répondre aux risques sanitaires pour les habitants. Le plan guide de Desvigne/LIN, urbaniste de la ZAC, est attendu pour cet automne. C'est un endroit où le périph est mixte, en ouvrage souterrain et aérien, et dans lequel le boulevard des Maréchaux lui-même à des endroits souterrains et aériens. On va affiner dans la programmation mais on va garder l'acquis du périph' en ouvrage, il ne sera pas question de supprimer 500 mètres de pont du périph' et d'arrêter. Un jour, ça viendra, peut-être même dans cette mandature : l'anneau sera cassé, symboliquement. Est-ce que ce sera un simple feu rouge et un passage piéton ? Ce sera déjà une révolution. Est-ce que ce sera un segment d'ouvrage détruit et restructuré ? Plusieurs pistes sont à l'étude, mais symboliquement, l'anneau connaîtra une ouverture. Peut-on habiter le périphérique ? Jusqu'où aller en matière d'immeubles-ponts ? L'Autorité environnementale a raison de pointer les nuisances atmosphériques. C'est en soi un problème urbain de maintenir une infrastructure qui est un tel lieu de production de pollution. Nous projetons un urbanisme qui se retourne vers le périphérique, mais il ne sera crédible que lorsqu'on aura fait baisser considérablement les niveaux de pollution sur celui-ci. Nous proposons de commencer par ce qui est logique : il faut réduire le trafic sur le périphérique, et les pollutions associées, par des changements de motorisation, des pincements de circulation. C'est ce qui nous permettra de remplir les critères environnementaux qui s'imposent à nous. Notre philosophie de long terme est un urbanisme qui se reconstitue autour d'une voie, d'une rue, d'une boulevard intérieur grand-parisien. Dans notre esprit, il n'y aura à terme pas plus de problème sur le futur boulevard urbain - qui ne sera plus périphérique puisqu'il sera au cœur de la métropole -, que le boulevard Saint-Michel [parisien], par exemple. Aujourd'hui, l'urbanisme de franchissement avec des projets comme Mille arbres, fait face à des difficultés techniques : non seulement c'est pollué, mais il provoquerait des effets d'accumulation. Arrive-t-on à faire un pont qui ne provoque pas cet effet d'accumulation et de saturation ? C'est d'abord un sujet d'ingénierie. Il faut trouver une solution technique. En second, il faudra surmonter les recours, comme pour beaucoup de projets. Propos recueillis par Lucie Romano, Rédactrice en chef adjointe, mercredi 31 mars "Le boulevard périphérique - les projets de continuité urbaine" - Pour "améliorer la connaissance du trafic et des nuisances", la Ville pilote depuis fin 2019 des enquêtes et études sur une durée de 5 ans pour le compte d'un groupement de collectivités et pour l'Etat. Airparif a acquis des outils de mesure pour équiper le périphérique, permettant notamment de mieux mesurer la présence des particules fines.

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